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40 – Envoi cinquième

Je soufflais sur mes mains glacées en espérant que la fumée de l’eau chaude accepte de leur partager un peu de chaleur, mais elle y mettait toute la mauvaise foi du monde et persévérer à s’évaporer n’importe où. Il faut dire que l’hiver était arrivé un peu vite, et que personne, pas même l’eau chaude, n’était prêt. Après avoir passé une semaine à emmitoufler portes et fenêtres de gros aplats de laine épaisse pour parer à tout courant d’air, après avoir tissé une judicieuse toile d’araignée de fils électriques capables d’apporter la lumière dans les divers recoins de la tanière, après avoir enroulé et fixé solidement les tissus d’hiver autour de mes quatre membres afin de n’avoir plus à les toucher jusqu’à l’arrivée du printemps, après avoir convoqué les différentes bêtes qui peuplent la maison, mouches, araignées, papillons de nuit, pour les mettre en garde sur ce qui nous attendait, à savoir une infinité de grisaille, un épuisement musculaire dû aux contractions du froid, une absence de végétal plus ou moins totale, dans un silence assourdissant que la neige haute ne manquerait pas de sceller, après avoir consigné les vivres, périssables ou non, dans le petit cahier jaune, après avoir trié les herbes bonnes et mauvaises ensemble en divers pots de verre, après avoir salué l’extérieur qu’on ne reverrait pas de si tôt, et même après avoir dit au revoir aux pigeons (malgré ma haine, j’espérais secrètement les revoir au printemps, apprendre qu’ils avaient un an de plus, même s’ils avaient fêté leur anniversaire en hiver, ça ne fait rien), après tout cela, je me sentais quand même un peu plus prête. Mais il faisait froid.

J’ai donc ouvert le petit cahier vert, celui où sont écrits tous les jours de l’année et leur numéro, classé par mois : janvier, février, etc. et je me suis plongée dans une sérieuse contemplation dont j’espérais une issue conséquente. Avec le soutien de la mouche n°3, nous avons fini par distinguer quelque chose dans l’énumération des jours. Une forme s’est précisé. Évidemment, elle l’a d’abord nommée dans le langage des mouches, dont on ne pouvait pas faire grand chose. Mais après une semaine supplémentaire, nous avons fini par trouver un consensus sur la traduction. Je vous livre donc nos premières conclusions :

– du 2 au 5 février : nous serons à Paris, prenant nos aises dans la capitale

Le 5 nous cheminons vers l’inconnu

– du 5 au 8 février : je vous supplie de me faire confiance. Des contemplations surgiront bientôt des éléments qui nous permettront de savoir si nous devons travailler le dissensus ou le consensus avec les éléments.

Le 8 nous retrouvons des sentiers connus, et nous cheminons vers le sud, si les points cardinaux n’ont pas été modifiés d’ici là.

– du 8 au 11 février : nous serons à Marseille, je n’ai rien à dire pour l’instant à ce sujet

Le 11 nous cheminons vers l’est, avec nos lunettes de neige

– du 11 au 14 : nous rallierons l’inquiétante Turin

Pour toutes questions ou précisions, la mouche n°3 reste à votre disposition.

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