Skip to content


Bientôt, de très belles choses vont arriver

C’est comme palper ses poches, et y retrouver du bout des doigts un morceau froissé de quelques chose coincé au fond de la couture. C’est comme sentir une odeur qui tout à coup superpose 4 ou 5 de tes vies en même temps, dans une perspective étourdissante et épaisse. C’est une sensation de connu mais pas de déjà-vu. Renouer, refaire des nœuds, le type de nœud que je connais bien. Retrouver avec douceur mes sentiments de colère et de tristesse mélangées.

Cette fois-ci, je les goûte. Elles sont comme défaites de culpabilité, comme une nouvelle chose. La colère et la tristesse face à la vie. C’est pas toi, c’est pas moi. Enfin si c’est un peu toi. Ou plus précisément, c’est toi qui y est pas, qui est pas là. Ton absence pendant le sexe, ton absence de désir me blesse. Et trouble, écorne mon désir, je ne sais plus si je désire ou pas. Tu me pièges, tu pièges mon désir dans le tien, je ne peux plus que désirer ton désir qui n’est pas là. Tu m’emmerdes. Il n’y a plus rien d’autre que la blessure, l’ego tout froissé.

Je déplie la petite boule de papier. Je dois dire que je suis contente de la retrouver. J’allume le projecteur, et lance les images, oui c’est bien mon film, c’est bien ma vie.

Et même sur le premier inconnu venu, je me jette à corps perdu. Toi non, ça c’est sûr. Mais moi j’y vais, j’allume mon désir, je fais tourner à fond les moteurs, je mets les beaux habits. Mais ça cale, défaut d’embrayage, tu embrayes pas, t’es pas là, et moi je me retrouve le bec dans l’eau, échoué sur ton couvre-lit moche, dans cette maison qui sent une odeur que je connais bien. Cette odeur d’humidité toute hongkongaise qui suinte sur le carrelage blanc de la chambre d’Alam. Cette colère devant des moqueries sexistes idiotes, que j’esquive en roulant des épaules, en roulant dans le lit du boucher, avec qui le sexe était vraiment bon. Toi, tu n’étais pas là, et je ne sais pas si c’est pour ça que le sexe était mauvais. Mais je suis blessée comme un chien, c’est-à-dire avec même pas assez d’agressivité.

Je retrouve tristesse et colère, mais il n’y a personne en face de moi. Pour toi, ce n’est pas moi qui suis là, et ça te rend absent. Ça me dénie un peu, et ça m’empêche de parler. Peu importe qui je suis.

Blessure d’égo et défaite de la culpabilité, je cherche les contradictions, je cherche les problèmes, je remâche. Dans la culpabilité on est tout seul. Si tu as tort, si tu fais du tort, tu existes, et ici tu me blesses. Mais peut-être que de permettre ça, je me prouve le retour de l’Autre. Et même si c’est à la moche, retrouver la possibilité de l’autre m’ouvre. Je relâche la pression. Ce n’est plus moi seule, c’est ce que tu me fais, avec toute ta confusion, ton absence de désir, ta dénégation. Tu fais de la merde, parce que tu gères pas. Pour toi, je suis pas vraiment là. Mais pour moi, tu existes avec ton agitation, ta confusion et tes blessures. Même si je te connais à peine. Si tu me blesses et que c’est pas de la culpabilité, alors c’est que je suis de nouveau à l’Autre. Alors savoure, Julie, savoure. Parce bientôt de très belles choses vont arriver.

Posted in Amants.